Court historique des oppositions au projet de Piscine d'Entreposage Centralisé de 10000 tonnes de matières radioactives sur les berges de Loire

16/09/2020 12:08

La contestation du  projet de piscine sur le terrain 

Les critiques et oppositions actées à l'encontre de ce projet se sont jusqu'alors exprimées à plusieurs niveaux.

Au plan national, d'abord, celui des opposants au nucléaire et des ONG qui depuis des années scrutent les orientations de la filière. Ils ont notamment nourri le travail journalistique de Reporterre qui a publié, avec un fort retentissement médiatique, le « scoop » du projet de piscine à Belleville ainsi qu'une étude détaillée en plusieurs volets sur la question des combustibles usés. Voir https://reporterre.net/EXCLUSIF-EDF-veut-construire-une-piscine-geante-de-dechets-nucleaires-a

Ces diverses organisations ont ensuite nourri l'argumentaire contradictoire pendant le débat public suite le nouveau PNGMDR d'avril à septembre 2019, qu'elles le boycottent ou y participent. Voir par exemple : https://pngmdr.debatpublic.fr/images/cahiers-acteurs/Cahier_dActeur_n4_ACRO_1.pdf

 

Au plan local et régional ensuite, celui des riverains et des populations proches qui pouvaient être concernées via les impacts sur la Loire par ex. Des oppositions spontanées se sont levées (Collectif dans la Nièvre, association dans le Sancerrois...), des organisations et collectifs existants (diverses associations de défense de l'environnement, de la « démocratie », antinucléaires etc) ont développé leurs stratégies de dénonciation des dangers à venir, des groupes politiques (élus EELV région, groupe d'action FI, NPA, etc.) et des élus (maires, communautés de communes, député, sénateur, président de Région etc.) sont montés au créneau...

Un des premiers aspects mis en cause par les habitant-e-s et élu-e-s localement est ce sentiment d'être mis « devant le fait accompli » et de ne pas être tenu-e-s au courant ! Y concourt le fait de découvrir, en cours de débat public notamment (voir) que d'autres options que l'entreposage sous-eau et centralisé existent et qu'elles ne semblent pas avoir été sérieusement étudiées (voir : https://www.irsn.fr/FR/expertise/rapports_expertise/surete/Pages/Rapport-IRSN-2019-00265_Analyse-Possibilites-Entreposage-MOX-URE.aspx#.XzuYu37gr3g

 

Le 2ème aspect est celui d'être considéré-e-s comme apte-s à devenir une « poubelle » nucléaire par le reste du territoire national... et c'est là que les militant-e-s antinuke ont bien fait leur boulot en nommant, dès le 1er jour de l'annonce sur toutes les chaines de télé et radio nationale, la réalité : Cette jolie «piscine» aux eaux turquoise dans laquelle nagent des «matières valorisables» est de fait une décharge de déchets nucléaires que la filière n'ose nommer comme tels ! (voir le cahier d'acteur de l'ACRO « ces matières dites valorisables, jamais valorisées » https://pngmdr.debatpublic.fr/images/cahiers-acteurs/Cahier_dActeur_n4_ACRO_1.pdf

 

En découle ensuite des inquiétudes quant à l'économie du territoire : conséquences de la cohabitation avec une décharge nucléaire sur les productions d' «excellence» qui font vivre celui-ci : vins de Sancerre, de Pouilly, fromages de Chavignol, tourisme : classement du Sancerrois au patrimoine mondial de l'Unesco, attrait minoré de la «Loire à vélo» ?

 

Emerge aussi et enfin (surtout ?) l'inquiétude quant aux dangers et risques que feraient encourir une telle installation. C'est là que les opposants ont fait leur  part de travail : pétitions, réunion publique d'information, réunions chez l'habitant, articles, tracts, médiatisation par internet, réseaux sociaux, etc. alors que les habitants et, encore plus les « élus » étaient non ou sous-informés (et qui sont montés au créneau : députés du Cher, de l'Yonne, sénateur du Cher, élus de la CLI de Belleville, quelques maires et communautés de communes). Voir https://sdn-berry-puisaye.webnode.fr/suivi-belleville-dampierre/projet-piscine-matieres-irradiees/newscbm_682857/20/

Un des premiers point de remise en question de ce projet est le choix de la centralisation (toujours chère aux instances dirigeantes pour économies d'échelles et mégalomanie ?). Rassembler 10.000 tonnes de métaux lourds irradiés au même endroit et, qui plus est, juste sur les bords du fleuve royal, n'est-ce pas courir au-devant d'une catastrophe qui affecterait tout l'aval de celui-ci, ses nappes phréatiques et les captages d'eau potable en cas d'accident ???

Par ailleurs, la « centralisation » implique la mise en place de transports supplémentaires par rail ou par camion, depuis la Hague mais aussi depuis les 22 réacteurs (pour le moment) moxés. Qui dit transports dit dissémination radioactive, contamination supplémentaire de tout l'appareillage servant à la manutention, risques d'accidents pour les travailleurs, les populations rencontrées etc.

voir https://www.asn.fr/Informer/Dossiers-pedagogiques/Transport-des-substances-radioactives-en-France/Fiche-pedagogique-Le-transport-de-combustible-irradie

 

* Le second non-sens est le choix de l'entreposage sous eau. En effet, les barres de combustibles doivent toujours être suffisamment immergées (dans ce cas 4 m d'eau entre le haut des assemblages et la surface du bassin semi-enterré). Si celle-ci diminue par évaporation (refroidissement insuffisant) ou par perte de iquide (brèches ou fuites dans le bassin), il y a risque de « dénoyage » : or « dans le risque de relâchement important de radioéléments (du fait notamment des phénomènes d’oxydation vive des gaines en zircaloy à température élevée) et de l’apparition d’un débit de dose très élevé autour de la piscine, empêchant toute intervention humaine directe. » (voir : p .30 in https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-31439-rapport-irsn-entreposage-combustible-irradie.pdf

Le gros intérêt de ce mode d'entreposage étant, aux yeux des nucléocrates, l' «accessibilité» des matières une fois leur «valorisation» devenue réelle... Or il semble que cette valorisation (générateur de 4ème génération) doive demeurer au stade de chimère technophile !

*Le troisième sujet d'alerte : la durée de 100 ans prévue pour cette installation. Quelle sera la capacité de maintenance d'une usine presque entièrement robotisée pendant une telle durée quand on connaît les difficultés financières d'EDF, ce qu'en pense l'ASN à savoir : « les efforts de transparence doivent être poursuivis pour expliciter les hypothèses dimensionnantes des coûts complets ainsi évalués et des principaux risques, notamment (…) celles étayant les programmes de démantèlement et des besoins en entreposage »

(voir https://www.asn.fr/Informer/Actualites/Securisation-du-financement-des-charges-nucleaires-de-long-terme)

 

Qu'en sera-t-il dans le domaine de la Sûreté quand on commence à percevoir ce que pourraient être les phénomènes climatiques extrêmes (canicules, incendies, inondations, séismes...) quand on sait que la robustesse des installations n'est calculée qu'à partir des épisodes passés connus (la plus grosse inondation, le pic et la durée connue des vagues de chaleur, l'intensité connue des séismes). Qu'en est-il également des agressions « externes » du futur sur 100 ans (attentats, piratages...) dans une perspective géopolitique probablement à la déstabilisation ?

 

Toutes ces dimensions ont eu le mérite d'être reprises et reliées à travers la mise sur pied de la coordination de 15 associations et collectifs des 4 départements limitrophes (Cher, Loiret, Nièvre et Yonne) appelée « Piscine Nucléaire Stop » (voir https://www.francebleu.fr/infos/environnement/bellevile-sur-loire-un-collectif-contre-le-projet-de-piscine-nucleaire-1590673281).

Le travail en étant amplifié plus largement au niveau de l'ensemble du bassin-versant de la Loire par le collectif Loire-Vienne Zéro nucléaire (LLZn).

Celui-ci avait prévu un rassemblement d'envergure visant à relier toutes les composantes de l'opposition et à démultipier celle-ci était prévue sur 4 jours en septembre.

L'annonce faite par EDF « après des études préliminiares » sur Belleville soit-disant  « non concluantes », de renoncer à l'implantation sur les rives de Loire et à entreprendre une « étude de faisabilité » sur le site de la Hague... a modifié les perspectives. Toutes les forces d'opposition ligériennes sont appelées à rejoindre celles du Cotentin !

Que s'est-il passé : 

Depuis plus de 2 ans, la contestation de ce projet n'a cessé de s'amplifier, de manière multiforme jusqu'à ce que celle-ci aboutisse, en particulier à la naissance de la coordination « Piscine Nucléaire Stop » qui a multiplié communiqués de presse, conférence de presse, interventions pendant la campagne municipale, lettre ouverte à la Ministre de la transition et au président de l'ASN... Après avoir été largement relayée dans les medias locaux et régionaux... Sa dénonciation et sa détermination s'affiche même dans des médias nationaux à commencer par le Monde qui annonce : « Sans attendre une confirmation du site sur lequel la future piscine d’entreposage d’EDF pourrait être créée, une coordination d’associations et de collectifs de quatre départements proches de la centrale de Belleville-sur-Loire (Cher), souvent présentée comme la candidate idéale pour accueillir ces bassins, vient de se créer. »  https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/06/20/combustibles-nucleaires-uses-face-au-risque-de-saturation-edf-somme-d-accelerer_6043562_3244.html

 

Paralèlement, la « crise » du Covid-19 qui a mis à l'arrêt quelques temps l'usine de retraitement de la Hague, a augmenté la quantité de combustibles usés en attente dans les piscines. Elle a aussi fragilisé la filière et des rumeurs de « renflouement par l'Etat » se propagent... https://bfmbusiness.bfmtv.com/entreprise/mis-sous-pression-avec-la-crise-du-coronavirus-edf-risque-de-devoir-etre-renfloue-par-l-etat-1898996.html, tandis que la Cour des comptes étrille l'électricien au sujet du fiasco de l'EPR https://www.capital.fr/entreprises-marches/edf-la-cour-des-comptes-livre-un-rapport-cinglant-1375021

L'ASN, le 28 mai, puis l'IRSN le 25 juin, sont auditionnés par le Sénat sur cette question de saturation des piscines et le directeur général de ce dernier «avertit du risque que les piscines de traitement de déchets de la Hague soient pleines à horizon 2030. Et encore plus rapidement «en cas d’aléa». https://www.publicsenat.fr/article/parlementaire/traitement-des-dechets-nucleaires-il-y-a-un-risque-de-saturation-de-la-hague

Ce 25 juin, Public Sénat relaie la déclaration des opposants : « Si cela n'était pas le cas, nous faisons part de notre plus entière détermination à nous opposer par tous moyens de droit à ce projet manifestement contraire à l'intérêt général. »

Or l'une des associations a réussi en juin 2019 à faire condamner EDF et l'ASN grâce à un référé devant le Conseil d'Etat pour une affaire sur le site de Belleville. https://www.leberry.fr/belleville-sur-loire-18240/actualites/le-conseil-detat-annule-une-autorisation-accordee-a-edf-a-la-centrale-nucleaire-de-belleville_13590751/

Ce même 25 juin 2020, une publication a eu lieu au Journal Officiel (article 5), sur demande du ministère de la Transition écologique, prévoyant « une demande d’étude d’entreposage à sec », une technique jamais utilisée jusque-là en France. 

Le 28 juin, le résultat des municipales donne les écologistes gagnants à la Mairie de Tours, capitale de la région Centre-Val de Loire et son Conseil Régional ayant voté un vœu d'opposition à l'implantation de la PEC, EDF a peut-être, prudemment, décidé d'aller voir ailleurs ?