Après son « plouf » à Belleville/Loire, la méga-piscine nucléaire refait sérieusement surface à la Hague !

12/11/2021 18:32

Après son « plouf » à Belleville/Loire, la méga-piscine nucléaire refait sérieusement surface à la Hague !

 

Le matin-même de l'annonce par E. Macron d'un grand chantier de construction de nouveaux réacteurs EPR, la presse de la Manche faisait état d'une autre nouvelle1. Etonnante coincidence ?

Pour rappel: EDF avait annoncé, en juin 2020, abandonner l'idée de construire sa méga-piscine sur les bords de Loire et s'orienter vers la Hague. Et voilà qu'en ce mois de novembre 2021, presque un an et demi plus tard, les concertations préalables démarrent dans le Cotentin.

Sa capacité légendaire à respecter les délais s'illustre particulièrement dans ce domaine de l'entreposage des combustibles nucléaires usés.

En effet, face à la perspective de saturation à l'horizon 2030, des piscines de la Hague qui entreposent ces combustibles, un arrêté de février 2017 imposait déjà à EDF de présenter sa (ou ses) réponse au problème. Puis, en 2020, l'Autorité de Sûreté Nucléaire et l'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire tiraient la sonnette d'alarme quant aux conséquences de cette saturation2. Ce n'est pas un menu problème : si on ne peut entreposer sous eau les combustibles usés retirés régulièrement des réacteurs, il faudra mettre ceux-ci à l'arrêt et compromettre l'approvisionnement électrique de la France.

C'est l'objet des piscines de la Hague : héberger quelques années les combustibles usés en provenance des réacteurs en attendant qu'ils soient « recyclés».

La nouvelle piscine, qui -soit dit en passant- a grossi pendant sa migration (2fois 6500 tonnes au lieu de 2 fois 5000 tonnes), devrait pouvoir désengorger les-dites piscines d'un fardeau sacrément encombrant : les combustibles MOX usés ou de mauvaise qualité, qui -eux- ne sont pas recyclables. Ils résultent de l'utilisation du plutonium (issu du retraitement et qu'on ne peut laisser proliférer) qui est mélangé à de l'uranium appauvri pour faire ce combustible MOX. Mais celui-ci est particulièrement délicat à gérer et, quand il a fini son service en réacteur, il est devenu extrêmement brûlant et radioactif. Il doit alors être entreposé entre 50 et 100 ans sous eau avant qu'on puisse ou sache ou en faire autre chose. Donc, il occupe les lieux, longtemps.

Si l'objectif de cette nouvelle piscine était uniquement de sécuriser l'entreposage des combustibles déjà produits dans le contexte de décision d'une sortie définitive et enfin programmée du nucléaire, nous applaudirions des deux mains mais ce n'est pas le cas !

EDF l'exprime clairement dans son dossier technique, il s'agit : « d'augmenter les capacités d'entreposage […] pour poursuivre l'exploitation du parc ».

Ce qui se dessine, c'est donc l'augmentation des capacités d'entreposage pour la prolongation des réacteurs actuels jusqu'à 50 voire 60 ans jusqu'à ce que des EPR puissent (au mieux dans 10 à 15 ans) prendre le relais ! Bien trop tard pour réduire la courbe d'augmentation d'émissions de GES et le réchauffement climatique. Et... à quel coût pour l'Etat, donc les contribuables (entre 50 à 60 milliard d'euros dit EDF en première évaluation)3? Et à quel coût environnemental ?

Par ailleurs, le gouvernement actuel a déjà violé la loi en prenant plus de deux ans de retard sur la production du dernier Plan National de Gestion des Matières et Déchets Radioactifs (PNGMDR), si l'on en croît Emilie Carriou, député de la Meuse4. Dans le prochain PNGMDR dont E.Macron avait dit rendre  les grandes lignes publiques avant fin 2021, il va falloir prendre des décisions concernant : le prolongement du parc nucléaire, la gestion des déchets et le maintien de la stratégie de retraitement des combustibles etc.5

Si la France poursuit le retraitement, de sérieux travaux devront être lancés pour remettre à niveau les installations ou en construire de nouvelles (à la Hague?).

Mais si on abandonne enfin le retraitement par manque de filière aval pour exploiter les matières obtenues, que l'on poursuit le démantèlement des vieilles unités de la Hague, quel sens cela a-t-il de créer une méga-piscine sur ce site ?

Bref, manque de cohérence, effets d'annonce au mépris d'une étude sérieuse des problèmes de sûreté, de faisabilité et de coûts, voici la politique en matière de nucléaire !

Pour finir, en forme de clin d'oeil : le troisième atelier de la concertation préalable, prévu le 2 février à Beaumont-Hague portera sur « l’insertion environnementale et paysagère » du projet.

Ceux qui connaissent le site savent à quel point l'usine de la Hague balafre et défigure ce magnifique coin de France. Sachant par ailleurs qu'un mur de 5m de haut est en construction tout autour du site de l'usine... quelle merveilleuse intégration paysagère ! Peut-être est-ilprévu de le peindre en vert ou le végétaliser ?

En tout cas, si les 2 ateliers précédents porteront sur la gestion du chantier et sur les enjeux socio-économiques... aucun n'est prévu sur les risques et les rejets dans l'environnement.